[ARENA] "Terrorisme ou tragi-comédie", por Giorgio Agamben

miguel leal ml virose.pt
Terça-Feira, 25 de Novembro de 2008 - 00:34:17 WET


in English below
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http://www.liberation.fr/societe/0101267186-terrorisme-ou-tragi-comedie

Terrorisme ou tragi-comédie


Giorgio Agamben philosophe italien.


A l’aube du 11 novembre, 150 policiers, dont la plupart appartenaient  
aux brigades antiterroristes, ont encerclé un village de 350  
habitants sur le plateau de Millevaches avant de pénétrer dans une  
ferme pour arrêter 9 jeunes gens (qui avaient repris l’épicerie et  
essayé de ranimer la vie culturelle du village). Quatre jours plus  
tard, les 9 personnes interpellées ont été déférées devant un juge  
antiterroriste et «accusées d’association de malfaiteurs à visée  
terroriste». Les journaux rapportent que le ministre de l’Intérieur  
et le chef de l’Etat «ont félicité la police et la gendarmerie pour  
leur diligence». Tout est en ordre en apparence. Mais essayons  
d’examiner de plus près les faits et de cerner les raisons et les  
résultats de cette «diligence».

Les raisons d’abord : les jeunes gens qui ont été interpellés  
«étaient suivis par la police en raison de leur appartenance à  
l’ultra-gauche et à la mouvance anarcho autonome». Comme le précise  
l’entourage de la ministre de l’Intérieur, «ils tiennent des discours  
très radicaux et ont des liens avec des groupes étrangers». Mais il y  
a plus : certains des interpellés «participaient de façon régulière à  
des manifestations politiques», et, par exemple, «aux cortèges contre  
le fichier Edvige et contre le renforcement des mesures sur  
l’immigration». Une appartenance politique (c’est le seul sens  
possible de monstruosités linguistiques comme «mouvance anarcho  
autonome»), l’exercice actif des libertés politiques, la tenue de  
discours radicaux suffisent donc pour mettre en marche la Sous  
direction antiterroriste de la police (Sdat) et la Direction centrale  
du renseignement intérieur (DCRI). Or, qui possède un minimum de  
conscience politique ne peut que partager l’inquiétude de ces jeunes  
gens face aux dégradations de la démocratie qu’entraînent le fichier  
Edvige, les dispositifs biométriques et le durcissement de règles sur  
l’immigration.

Quant aux résultats, on s’attendrait à ce que les enquêteurs aient  
retrouvé dans la ferme de Millevaches des armes, des explosifs, et  
des cocktails Molotov. Tant s’en faut. Les policiers de la Sdat sont  
tombés sur «des documents précisant les heures de passage des trains,  
commune par commune, avec horaire de départ et d’arrivée dans les  
gares». En bon français : un horaire de la SNCF. Mais ils ont aussi  
séquestré du «matériel d’escalade». En bon français : une échelle,  
comme celles qu’on trouve dans n’importe quelle maison de campagne.

Il est donc temps d’en venir aux personnes des interpellés et,  
surtout, au chef présumé de cette bande terroriste, «un leader de 33  
ans issu d’un milieu aisé et parisien, vivant grâce aux subsides de  
ses parents». Il s’agit de Julien Coupat, un jeune philosophe qui a  
animé naguère, avec quelques-uns de ses amis, Tiqqun, une revue  
responsable d’analyses politiques sans doute discutables, mais qui  
compte aujourd’hui encore parmi les plus intelligentes de cette  
période. J’ai connu Julien Coupat à cette époque et je lui garde,  
d’un point de vue intellectuel, une estime durable.

Passons donc à l’examen du seul fait concret de toute cette histoire.  
L’activité des interpellés serait à mettre en liaison avec les actes  
de malveillance contre la SNCF qui ont causé le 8 novembre le retard  
de certains TGV sur la ligne Paris-Lille. Ces dispositifs, si l’on en  
croit les déclarations de la police et des agents de la SNCF eux- 
mêmes, ne peuvent en aucun cas provoquer des dommages aux personnes :  
ils peuvent tout au plus, en entravant l’alimentation des  
pantographes des trains, causer le retard de ces derniers. En Italie,  
les trains sont très souvent en retard, mais personne n’a encore  
songé à accuser de terrorisme la société nationale des chemins de  
fer. Il s’agit de délits mineurs même si personne n’entend les  
cautionner. Le 13 novembre, un communiqué de la police affirmait avec  
prudence qu’il y a peut-être «des auteurs des dégradations parmi les  
gardés a vue, mais qu’il n’est pas possible d’imputer une action à  
tel ou tel d’entre eux».

La seule conclusion possible de cette ténébreuse affaire est que ceux  
qui s’engagent activement aujourd’hui contre la façon (discutable au  
demeurant) dont on gère les problèmes sociaux et économiques sont  
considérés ipso facto comme des terroristes en puissance, quand bien  
même aucun acte ne justifierait cette accusation. Il faut avoir le  
courage de dire avec clarté qu’aujourd’hui, dans de nombreux pays  
européens (en particulier en France et en Italie), on a introduit des  
lois et des mesures de police qu’on aurait autrefois jugées barbares  
et antidémocratiques et qui n’ont rien à envier à celles qui étaient  
en vigueur en Italie pendant le fascisme. L’une de ces mesures est  
celle qui autorise la détention en garde à vue pour une durée de  
quatre-vingt-seize heures d’un groupe de jeunes imprudents peut-être,  
mais auxquels «il n’est pas possible d’imputer une action». Une autre  
tout aussi grave est l’adoption de lois qui introduisent des délits  
d’association dont la formulation est laissée intentionnellement dans  
le vague et qui permettent de classer comme «à visée» ou «à vocation  
terroriste» des actes politiques qu’on n’avait jamais considérés  
jusque-là comme destinés à produire la terreur.

Traduit de l’italien par Martin Rueff.

Dernier ouvrage paru : le Règne et la gloire, homo sacer, II, 2,  
traduit de l’italien par Joël Gayraud et Martin Rueff, Seuil, 2008.



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http://farkyaralari.blogspot.com/search/label/semiotext(e)
http://farkyaralari.blogspot.com/2008/11/free-tarnac-9-statement-of- 
support-by.html
This e-mail is from semiotext(e).




Nine friends in France have been arrested and accused of terrorism,  
although no proof has been brought against them. Attached please find  
a petition written by the publisher Eric Hazan, which can be signed  
(name, occupation, city) and returned to: lafabrique  lafabrique.fr

A statement of support by Giorgio Agamben is pasted in below.

Thanks very much.

TERRORISM OR TRAGICOMEDY?

On the morning of November 11, 150 police officers, most of which  
belonged to the anti-terrorist brigades, surrounded a village of 350  
inhabitants on the Millevaches plateau, before raiding a farm in  
order to arrest nine young people (who ran the local grocery store  
and tried to revive the cultural life of the village). Four days  
later, these nine people were sent before an anti-terrorist judge and  
“accused of criminal conspiracy with terrorist intentions.” The  
newspapers reported that the Ministry of the Interior and the  
Secretary of State “had congratulated local and state police for  
their diligence.” Everything is in order, or so it would appear. But  
let’s try to examine the facts a little more closely and grasp the  
reasons and the results of this “diligence.”

First the reasons: the young people under investigation “were tracked  
by the police because they belonged to the ultra-left and the anarcho  
autonomous milieu.” As the entourage of the Ministry of the Interior  
specifies, “their discourse is very radical and they have links with  
foreign groups.” But there is more: certain of the suspects  
“participate regularly in political demonstrations,” and, for  
example, “in protests against the Fichier Edvige (Exploitation  
Documentaire et Valorisation de l'Information Générale) and against  
the intensification of laws restricting immigration.” So political  
activism (this is the only possible meaning of linguistic  
monstrosities such as “anarcho autonomous milieu”) or the active  
exercise of political freedoms, and employing a radical discourse are  
therefore sufficient reasons to call in the anti-terrorist division  
of the police (SDAT) and the central intelligence office of the  
Interior (DCRI). But anyone possessing a minimum of political consc
ience could not help sharing the concerns of these young people when  
faced with the degradations of democracy entailed by the Fichier  
Edvige, biometrical technologies and the hardening of immigration laws.

As for the results, one might expect that investigators found  
weapons, explosives and Molotov cocktails on the farm in Millevaches.  
Far from it. SDAT officers discovered “documents containing detailed  
information on railway transportation, including exact arrival and  
departure times of trains.” In plain French: an SNCF train schedule.  
But they also confiscated “climbing gear.” In simple French: a  
ladder, such as one might find in any country house.

Now let’s turn our attention to the suspects and, above all, to the  
presumed head of this terrorist gang, “a 33 year old leader from a  
well-off Parisian background, living off an allowance from his  
parents.” This is Julien Coupat, a young philosopher who (with some  
friends) formerly published Tiqqun, a journal whose political  
analyses – while no doubt debatable – count among the most  
intelligent of our time. I knew Julien Coupat during that period and,  
from an intellectual point of view, I continue to hold him in high  
esteem.

Let’s move on and examine the only concrete fact in this whole story.  
The suspects’ activities are supposedly connected with criminal acts  
against the SNCF that on November 8 caused delays of certain TGV  
trains on the Paris-Lille line. The devices in question, if we are to  
believe the declarations of the police and the SNCF agents  
themselves, can in no way cause harm to people: they can, in the  
worst case, hinder communications between trains causing delays. In  
Italy, trains are often late, but so far no one has dreamed of  
accusing the national railway of terrorism. It’s a case of minor  
offences, even if we don’t condone them. On November 13, a police  
report prudently affirmed that there are perhaps “perpetrators among  
those in custody, but it is not possible to attribute a criminal act  
to any one of them.”

The only possible conclusion to this shadowy affair is that those  
engaged in activism against the (in any case debatable) way social  
and economic problems are managed today are considered ipso facto as  
potential terrorists, when not even one act can justify this  
accusation. We must have the courage to say with clarity that today,  
numerous European countries (in particular France and Italy), have  
introduced laws and police measures that we would previously have  
judged barbaric and anti-democratic, and that these are no less  
extreme than those put into effect in Italy under fascism. One such  
measure authorizes the detention for ninety-six hours of a group of  
young – perhaps careless – people, to whom “it is not possible to  
attribute a criminal act.” Another, equally serious, is the adoption  
of laws that criminalize association, the formulations of which are  
left intentionally vague and that allow the classification of  
political acts as having terrorist “intentions” or “inclinat
ions,” acts that until now were never in themselves considered  
terrorist.

— Giorgio Agamben
Libération, November 19, 2008


ATTACHMENTS THAT CAME WITH THE MAIL
http://www.mediafire.com/?ntrywnm2jji

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